Anna Halprin

Au milieu des années quarante, une femme, alors chorégraphe et danseuse soliste chez Doris Humphrey, quitte New York pour s’installer sur la côte ouest des Etats-Unis, et débute l’une des aventures artistiques les plus radicales et les plus fécondes du XX° siècle, dont les effets continuent  aujourd’hui à irriguer de nombreux champs artistiques.


Dans ses ateliers d’été se rencontrent des artistes tels qu’Yvonne Rainer, Trisha Brown, Simone Forti, Robert Morris et bien d’autres, qui vont pratiquer notamment les célèbres « tâches », concept novateur qui fait entrer les gestes du quotidien dans le champ de la danse et qui influencera de façon déterminante la danse post-moderne américaine.


Nourrie par les approches de Moshe Feldenkraïs et du gestalt-thérapeute Fritz Perls, par les théories du Bauhaus, par la philosophie humaniste et pragmatique de John Dewey, Anna Halprin n’a de cesse d’explorer, de développer et d’encourager le processus même de création, notamment collective. Elle propose des modes d’exploration et de composition multiples, adressés à tous. Basés sur une approche holistique de l’individu, ils mettent le mouvement humain, dans sa dimension fonctionnelle, émotionnelle et imaginaire, au cœur du processus de transformation.


« Je dis que faire, mais pas comment le faire, sinon pour moi c’est du fascisme; dire que faire apporte des limites et, plus vous apportez de contraintes, plus vous devez aller loin pour conquérir votre matériel et réaliser vos tâches, alors que ne pas dire comment le faire laisse toute liberté à chacun pour trouver son propre langage. »


Anna Halprin se livre à une remise en cause incessante des modes de penser et d’agir, des normes et des frontières esthétiques et politiques en s’appuyant sur l’usage des scores (partitions), la création collective, l’improvisation et les expérimentations en milieu naturel, l’implication dans les mouvements de contestation des années 60, et le travail au long cours avec des gens malades du sida ou du cancer.

 

Créatrice en 1955 du San Francisco Dancers' Workshop, Anna Halprin  initie des collaborations fructueuses avec des artistes de toutes disciplines : de nombreux danseurs et chorégraphes, bien sûr, mais également avec Lawrence Halprin, son mari, architecte et paysagiste, avec des musiciens et compositeurs, notamment La Monte Young et Terry Riley (qui seront co-directeurs artistiques de sa compagnie et inventeront chez elle les débuts de la musique minimaliste et répétitive) et Luciano Berio (avec qui elle crée Esposizione en 1963 à la Fenice de Venise), avec des poètes, James Broughton, Allen Ginsberg, ainsi que des peintres, et des sculpteurs.

 

Elle crée de nombreuses pièces qui mettent en jeu des thématiques et des processus inédits, sur des modes à chaque fois renouvelés, fruits de plusieurs années de recherches :

Birds of America (1960), Four-Legged-Stool (1962), Exposizione (1963), Parades and Changes (1965-67), Apartment 6 (1965), Myths (1967-68), Citydance (1976-77), Ceremony of Us (1969), Animal Ritual (1971)

 

A partir de 1971, sa confrontation avec le cancer l’amène à modifier radicalement son rapport à l’art, et à consacrer celui-ci « à la vie », en mettant ses processus créatifs au service de gens atteints de maladies graves.

Elle crée alors  Circle the Earth (1986-1991), The Planetary Dance (1987- ), Carry me Home (1990), Intensive Care  (2000).


Elle continue aujourd’hui, à 90 ans, à danser, créer et enseigner.

Sa dernière pièce, Seniors Rocking, met en jeu cinquante personnes âgées de plus de 80 ans.

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